Rainforest IV de David Tudor – principe

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“Rainforest IV est issu de réflexions que j’ai développées à partir de 1965. Le concept de base était fondé sur une préoccupation technique : l’idée que le haut-parleur devrait avoir une propriété (ou une “voix”) singulière et unique et ne pas être un simple appareil de reproduction mais un instrument à part entière. Une opportunité s’est présentée lorsque j’ai été sollicité pour faire une proposition artistique pour un parc à Washington (ce projet n’a pas abouti). La proposition était de réaliser une sculpture sonore en plein air ; à partir de là je me suis mis à réfléchir. Et j’ai pensé qu’il serait vraiment magnifique si chaque sculpture pouvait “sonner” de manière différente l’une de l’autre et si l’ensemble pouvait fonctionner et être géré à partir d’une seule machine qui agirait ainsi comme un commutateur [pouvant gérer par exemple un assemblage de plusieurs interrupteurs permettant des choix multiples].”
— (David Tudor, from An Interview with David Tudor by Teddy Hultberg in Dusseldorf, May 17-18, 1988, http://davidtudor.org/Articles/hultberg.html )

La quatrième version de Rainforest en 1973 est une œuvre environnementale collaborative mixant spatialement des sons en direct de sculptures et d’objets trouvés suspendus avec leurs réflexions transformées au travers d’un dispositif audio.
— (David Tudor interviewé par John Fullemann 10/12/85)

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“L’objectif de Rainforest IV était de faire résonner par elles-mêmes des sculptures dans un espace. Une partie de ce travail à faire est en fait de créer un environnement. Les microphones de contact placés sur les objets captent les fréquences de résonance de l’objet même, que l’on peut entendre lorsqu’on se trouve proche de l’objet. Les sons sont ensuite amplifiés par des haut-parleurs [pour rehausser le niveau sonore et donner une autre approche de l’écoute].”
— (David Tudor interviewé par John Fullemann 10/12/85)

“En 1973 j’ai réalisé Rainforest IV, une version dans laquelle les objets au travers desquels les sons étaient transmis étaient de grande dimension et créaient ainsi des présences [distribuées] dans l’espace. C’est-à-dire en fait que leurs résonances étaient perceptibles dans l’espace lorsqu’on s’approchait d’eux à l’endroit où ils étaient suspendus mais aussi dans l’espace tout entier parce que les sons étaient diffusés en supplément sur des haut-parleurs. Le principe est que si vous envoyez du son au travers de ces objets et matériaux, les fréquences de résonance de ceux-ci se trouvent excitées, et ainsi ces résonances peuvent être à nouveau captées par des microphones de contact ou des cellules de lecture d’électrophone. Ces matériaux et objets mis en résonance possèdent chacun une sonorité différente, et leur captation par un microphone de contact rend un son différent que celui que vous entendez lorsque vous êtes près de l’objet suspendu. Cela devient comme des réflexions ou des reflets [acoustiques], et l’ensemble rend, je pense, une atmosphère presque harmonieuse et magnifique, car lorsque vous vous déplacez dans l’espace vous avez l’impression de sortes de réminiscences [ou de rappels et de renvois] de sons que vous avez entendus à un autre endroit de ce même espace [que remplit Rainforest]. C’est en fait une œuvre réalisable par un nombre important de performeurs et d’exécutants ; n’importe quel nombre de personnes peut y participer. [Toutefois] il est vraiment impotant que chacun des performeurs fabrique sa propre “sculpture”, décide du système sonore à mettre en place, et performe et joue lui-même son dispositif. Il y a très peu d’instructions et de préconisations qui sont nécessaires à la réalisation de cette œuvre. Je trouve d’ailleurs que c’est une œuvre basée pratiquement sur des formes “d’apprentissage”, voire d’auto-apprentissage, du fait que chacun découvre comment il doit programmer et développer son dispositif en fonction de que celui-ci peut “encaisser”. Cela a été vraiment une activité très gratifiante pour moi, [qui renvoie beaucoup sur soi-même et sur ce qu’on fait et ce qu’on en fait]. Cette œuvre a été réalisée et jouée par un ensemble assez nombreux de 14 personnes. Donc voici comment Rainforest a été réalisé.”
— David Tudor interviewé par Teddy Hultberg à Düsseldorf les 17 et 18 mai 1988, http://davidtudor.org/Articles/hultberg.html

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